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PUBLIÉ LE 22 Mai 2025

Américanisation du Québec à l’ère de Trump 2.0

Quelles menaces pour les femmes en situation de handicap?  

Le 30 avril 2025 marquait le 100e jour du second mandat de Donald Trump à la tête des États-Unis. Aussi bien dire que ça fait maintenant plus de 100 jours que l’actualité du monde entier tourne autour de lui. Ce texte vise à mettre de l’avant certaines inquiétudes quant à la menace que ces bouleversements sociaux chez nos voisins représentent pour les femmes et les personnes issues de populations marginalisées, en particulier les personnes en situation de handicap ici, chez nous. Car, s’il est à peu près impossible d’éviter l’actualité américaine depuis 100 jours, plusieurs n’ont pas conscience, voire minimise l’influence des États-Unis sur le Canada, sur le Québec. Cette influence qui se manifeste tant sur les plans sociaux, économique et politique n’est pourtant pas à prendre à la légère.

26 nuances de Trump  

Il faut dire que, dès le jour un de sa présidence, soit le 20 janvier 2025, Monsieur Trump a affiché les couleurs que prendrait son second mandat. Rappelons que dès qu’il a repris sa place au bureau ovale, il a pris un stylo pour signer décret après décret. Il en aura signé 26 au total, un record historique. Ces décrets auront des conséquences dans le monde entier.

Face à l’arrogance dont fait preuve le 47e président des États-Unis nous sommes plusieurs à trembler, devant la menace qu’il constitue pour les droits humains, nous sommes plusieurs à pleurer de rage et rester estomaqué·e·s de voir cette puissance mondiale où la liberté est une valeur cardinale menacer d’effondrement. La menace pour leurs droits touche spécifiquement toutes personnes n’étant pas un homme blanc, cisgenre, hétérosexuel et n’ayant aucune limitation fonctionnelle. Et encore, même cet humain de « première classe » n’est pas à l’abri de voir ses droits bafoués à un moment donné. En effet, si cet humain est conscient de sa situation privilégiée et qu’il s’intéresse aux catégories de personnes vivant un quelconque type d’oppression, sa liberté d’expression, pour ne nommer qu’elle, risque également d’être brimée. Pensons aux scientifiques par exemple. Il serait naïf de croire que les frontières protégeront le monde de ces dangereux reculs.

Américanisation

Nous pourrions être tenté·e·s de nous rassurer en nous disant que tout ce recul n’a lieu qu’aux États-Unis, que nous, au Canada, dans « le plus meilleur pays au monde », nous ne risquons rien. Après tout, nos politiques visant l’égalité des chances sont encore en place.

Rien n’est plus faux !

En effet, pour certain·e·s, le discours que le président des États-Unis tenait depuis le début de son mandat sur l’idée de faire du Canada son 51e état pouvait sembler farfelu. Pourtant…

Déjà dans les 1980, certains sociologues affirmaient que les Québécois·e·s apparaissent davantage comme des « Américain·e·s francophones » que des « Français·e·s d’Amérique » (Jones, 1984). Des politologues tels qu’Alfred Hero et Louis Balthazar allaient dans le même sens affirmant que les Québécois·e·s « are fundamentally North American in their values, tastes, and ways of life » (1988). Nous pourrions être tenté·e·s de souffler de soulagement après avoir lu dans le National Post que l’ambassadeur des États-Unis affirme que l’annexion du Canada aux États-Unis est maintenant « derrière nous ». La vérité est que, face à un Donald Trump pour qui les volte faces s’enchaînent, il ne faut surtout pas baisser la garde.

Alors, oui, nous sommes peut-être un pays souverain, a priori, mais il ne faut pas oublier que le Québec, comme le Canada, partagent une expérience continentale avec les États-Unis (Beeray & Balthazar, 1995). La proximité géographique avec les États-Unis expose les Québécois·e·s à une influence américaine plus directe et plus disproportionnée.

« Ainsi l’américanisation serait plutôt l’imposition (intentionnelle ou accidentelle) d’une influence culturelle aux dépens non seulement de la culture « hôte », mais aussi des autres influences possibles. On finit par penser et vivre à l’américaine non pas par choix, mais parce qu’aucune autre possibilité ne nous est présentée. On est désormais « américanisé » sans le vouloir et, pis encore, sans le savoir ! »
(Beeray & Balthazar, 1995). 

Cette influence culturelle s’impose de plusieurs manières. Pensons à la commercialisation massive ici des produits culturels américains comme la musique ou les contenues cinématographiques ou sériels par le truchement par exemple, des plateformes comme Netflix ou Amazon Prime Video,  qui n’ont que peu de contenu québécois. Qu’on le veuille ou non, ce sont d’excellents véhicules à valeurs sociales américaines qui influencent directement le processus de socialisation qui nous suit tout au long de notre vie.  

« Certes, il y a de l’originalité dans l’industrie culturelle québécoise, mais on doit tout de même se demander si l’invasion massive de la culture américaine au Québec ne bride pas cette originalité en instaurant une logique du marché dans le monde culturel qui encourage l’imitation. » (Beeray & Balthazar, 1995). 

Toujours pas convaincu·e·s de l’ampleur de l’influence qu’ont les États-Unis sur le Canada? Outres sur le plan culturel, un autre lien nous uni·e· : notre relation de dépendance économique. En effet, depuis 1989 nous avons un accord de libre-échange avec les États-Unis Selon une analyse de la Banque de Montréal : « …la réussite du Canada vient entre autres des réformes qu’il a apportées à son économie au cours des années, mais elle croit que c’est l’accord de libre-échange qui a préparé le terrain à ses changements, en clarifiant entre autres les règles du commerce et de l’investissement en Amérique du Nord. La banque note également que le traité a permis à l’économie canadienne de rester à flot lors des périodes de fort ralentissement économique que le monde a connues au cours des 10 dernières années… » (Radio-Canada, 2012) 

Toujours pas convaincu·e·s ?

Regardons nos fils de nouvelles sur Facebook ou même les titres mis de l’avant par les grands réseaux d’informations. Mine de rien, le simple fait que les États-Unis de Trump monopolisent notre actualité à une incidence sur notre socialisation. Au mieux, il sèmera des graines lentement, mais sûrement et nous aurons le temps de nous préparer à vivre les mêmes reculs ici, voire de les contrer. Au pire, nous ferons comme à notre habitude en imitant les états-unien·nes.    

L’ennemi public numéro un : Équité, diversité et inclusion (EDI) 

Nous le savons trop bien, les directives de Trump visant à mettre fin aux programmes d’Équité, diversité, inclusion (EDI) frapperont de plein fouet les femmes qui verront leurs gains des dernières décennies s’envoler en aussi peu de temps qu’il n’en faut au président pour signer un décret. Dans une société où l’importance des droits des femmes n’a pas été reconnue durant des siècles et où la place qu’elles devraient occuper au sein de cette même société reste sujette au débat, les mesures EDI sont cruciales à l’atteinte de l’égalité des genres. Considérant que, malgré les gains obtenus par le mouvement féministe, les femmes en situation de handicap (FSH) restent moins scolarisées et moins présentes sur le marché du travail, la détérioration de leurs conditions de vie est inévitable (I=inclusion).  

Tous ces décrets représentent un recul net pour les droits des femmes, certes, mais pour les droits des personnes en situation de handicap (PSH) tout autant.  Rappelons que les États-Unis, en 1990, adoptaient l’Americans with Disabilities Act (ADA), une loi mise en place dans le but de contrer la discrimination que vivait les PSH et, du coup, de favoriser leur pleine participation citoyenne. Cette loi faisait des États-Unis un pays modèle pour ce qui a trait à l’inclusion des personnes en situation de handicap.  

Or, parmi tous les changements apportés par le président alors qu’il venait à peine de remettre les pieds à la Maison-Blanche, se trouve le retrait de 11 documents de l’ADA visant principalement à guider les entreprises dans la mise en place de mesures leur assurant de respecter leurs obligations légales quant à l’EDI. Le ministère de la justice a déclaré que la suppression de ces documents s’inscrivait dans le cadre d’un effort plus large visant à réduire les charges réglementaires pesant sur les entreprises. 

L’intention de l’administration Trump est clair mais le calcul nous rend perplexe : Remettre de l’argent dans les poches des propriétaires d’entreprises aide tout le monde en permettant à ces entreprises de faire profiter les consommateurs des économies réalisées et, ainsi, soutenir l’économie. » [Traduction libre], a déclaré Mac Warner, vice-procureur général adjoint, dans un communiqué. (Associated Press, 2025). 

Cette décision qui défie la logique a aussi d’important ressac ici. En effet, le 9 avril 2025, le journal de Montréal annonçait dans ses pages : Des entreprises québécoises actives aux États-Unis ont retiré des mots comme « diversité » de leurs sites web pour se conformer à un décret de l’administration Trump.  

S’informer pour mieux résister  

Bien que nous ressentions ce vent d’extrême droite, ici, au Québec, pour l’instant, nous n’en sommes principalement que témoins. En revanche, nous ne devons jamais minimiser l’ampleur de l’influence qu’ont les États-Unis sur nous.  

Ce que vivent les États-Unis est exceptionnel. En effet, généralement, de tels reculs s’installent graduellement, on fait avaler au peuple une pilule à la fois. Nous devons nous informer, rester alertes et ne rien laisser passer. Ce sont tous les «c’est pas grand chose» qui finiront par avoir de lourdes conséquences si nous les laissons passer. 

Références
  • Lemelin, B. (1988). Au-delà de l’américanisation culturelle: les influences politiques et économiques des États-Unis sur le Canada et le Québec, 1867-1988. life, 199. 

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